Si vous n’êtes pas un grand amateur d’art, les chances que vous puissiez distinguer une bonne œuvre abstraite d’une mauvaise sont minces.

Mais pour les critiques d’art, cet exercice est un jeu d’enfant… du moins, en théorie !

L’histoire a lieu en Suède en 1964.

Depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale, la tendance est aux œuvres abstraites à l’image des peintures de Jackson Pollock ou Franz Kline. Celles-ci paraissent aussi étranges et dénuées de sens au commun des mortels que fascinantes pour les critiques d’art.

Remarquant cette étrange tendance, un facétieux journaliste nommé Åke “Dacke” Axelsson décide de tester ces critiques mondains. Seront-ils capables de faire la différence entre une véritable œuvre abstraite et une toile peinte par un singe ?

Peter, le chimpanzé artiste

Pour mettre son plan à exécution, Axelsson se rend au zoo de sa ville.

Il tombe alors sur Peter, un chimpanzé de 4 ans, puis négocie avec le responsable du zoo. Ce dernier accepte que des peintures soient laissées au primate afin qu’il puisse exprimer ses talents artistiques.

Le voici en train de s’exercer:

1964-brassau

Peter en plein travail 🙂

Le journaliste laisse le jeune singe peindre un certain nombre de toiles puis sélectionne les 4 meilleures selon lui.

Il prend ensuite l’initiative de les exposer dans une galerie d’art de la ville de Göteborg (Suède) sous le nom de Pierre Brassau.

A sa grande surprise, les critiques adorèrent les peintures de Peter. L’un d’eux alla même jusqu’à écrire:

« Brassau peint avec des traits puissants, mais aussi avec une détermination claire. Ses coups de pinceaux s’accompagnent d’une furieuse méticulosité. Pierre est un artiste qui compose avec la grâce d’un danseur de ballet ».

En fait, seule une critique était courte et allait droit au but: « seul un singe a pu faire ça ».

Ce point de vue n’était pas très populaire parmi les autres critiques, même si les « œuvres » de Brassau ressemblaient à s’y méprendre aux dessins d’enfants de 2 ans placardés sur les frigos du monde entier…

pierre-brassau-peter

Une toile signée Pierre Brassau / Peter le singe

Considérant que son piège avait fonctionné, Axelsson révéla la vérité sur le supposé artiste post-moderne français.

Heureusement, l’histoire se termine bien

Au lieu d’en vouloir au journaliste, les critiques furent enchantés par les « travaux » du singe Peter. L’auteur de la critique élogieuse a confirmé ses propos, allant même jusqu’à dire que les toiles du singe étaient les meilleures de l’exposition.

L’une de ses peintures fut même vendue à un collectionneur pour la modique somme de 90$ de l’époque  (environ 650 dollars actuels).

Finalement, ce canular n’a pas changé le monde de l’art de manière significative, mais il aura au moins permis à Peter de vivre la vie d’un artiste célèbre pour quelques jours !

Je retire néanmoins deux enseignements de cette histoire:

  • L’abstrait est vraiment une frange à part du monde de l’art. La frontière peut être mince entre le génie et l’imposture… et les soi-disant « experts » se basent sur quels critères pour séparer le bon grain de l’ivraie ?
  • La beauté est définitivement dans les yeux de celui qui la regarde. Les critiques qui ont adoré les toiles de Peter étaient-ils attachés à une certaine idée de ce qu’est censé être l’art abstrait ? Ou ont-il simplement interprété des significations (qui, forcément, n’existaient pas étant donné l’auteur des « œuvres ») à partir des barbouillages du singe ?

Je laisse le débat ouvert… et vous invite à laisser vos impression sur cette supercherie en commentaires !

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4 Réponses

  1. Morgan

    En même temps c’est très intéressant, et en effet cela montre que nous recomposons les significations à partir de ce que l’on voit, que nous sommes entourés et que nous vivons dans du symbolique. ll est fascinant de se poser la question de savoir si l’oeuvre n’a aucun intérêt si celui qui l’a produite n’a aucune intention et si le geste est uniquement spontané. Pour ma part je trouve ces toiles intéressantes, et l’art abstrait refuse toute inteprétation préetablie, un peu comme dans un autre domaine le théâtre de dérision avec Beckett et Ionesco, qui disait : « le monde m’apparaissait sous une lumière insolite. Peut-être sa vértiable lumière, au-delà des interprétations et d’une causalité arbitraire. »
    En effet, ces oeuvres montrent bien peut-être la vacuité de toute interprétation préétablie en Art, surtout en Art contemporain, et le fait qu’il faut accepter l’indétermination et l’incertitude même dans ce domaine.

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  2. Romain

    Une petite recherche en histoire de l’Art vous aurait permis de répondre tout seul à cette question. L’art Abstrait, par définition, c’est la prévalence du concept sur la technique. Si le singe avait été à l’initiative de la « supercherie » il en aurait été l’artiste.

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  3. Barbaza Andy-Judicael

    La façon dont l’usage laisse une supercherie devant sa propre surface est la liaison qui sépare la manière dont le respect des oeuvres et sa conception est utilisés ou alors peut être proposés.
    Si Peter (le singe) a réussie une prouesse à ce titre il n’en est pas moins incapable de lui même apprécier ce que les autres ont appréciées. En fait il a la perception qui réglemente ses propres combats(traits puissants).Donc la capacités de Peter est en soi puissant mais sans pouvoir en fait c’est un singe qui ne peut singer.

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