Quelle place tient le hasard dans notre vie face à celle de nos choix ? Que pouvons nous contrôler, et qu’est-ce qui échappe à notre contrôle ? En définitive, la chance est-elle plus importante que les compétences pour réussir ?

Nous sommes en 2015.

Cette année là, les galères s’enchaînent pour la journaliste et essayiste russo-américaine Maria Konnikova. Sa mère et son mari perdent leur emploi successivement, sa grand-mère meurt, elle-même tombe inexplicablement malade…

A mesure qu’elle analyse ce qui lui arrive, toutes les questions ci-dessus finissent par l’obséder. A ce moment, elle est encore loin de soupçonner la façon dont elle y répondra, ni où ces réflexions la mèneront.

En femme passionnée et déterminée, Maria se met alors à dévorer tout ce qui peut lui apporter des pistes de réflexion.

Jusqu’à ce que la jeune femme, diplômée d’Harvard et Columbia en psychologie et écriture créative, ne tombe sur le célèbre livre du mathématicien John Von Neumann, Théorie des jeux et comportements économiques.

Ce livre va être un véritable déclencheur pour Konnikova. Rapidement, elle va comprendre qu’elle peut tirer de précieuses leçons de vie d’un jeu en particulier : le poker.

Le poker comme métaphore de la vie

A cette époque, Maria Konnikova ne connaît absolument rien au poker. Les règles lui sont étrangères, elle ignore tout du lexique poker et est même incapable de dire combien de cartes composent un jeu.

Comment le livre de Von Neumann a-t-il pu être un tel déclic pour elle dans ce cas ?

En le lisant, elle y apprend une chose essentielle. Dans ce jeu, les compétences du joueur sont au moins aussi importantes, si ce n’est plus, que les cartes qui lui sont distribuées.

D’un certain point de vue le poker est très proche de la vie, où il faut souvent user de stratégie pour tirer son épingle du jeu. Composer avec ce que l’on sait, ce qu’on ignore, les cartes qu’on a en main, où l’on doit parfois bluffer, anticiper, improviser, deviner les intentions de l’autre, etc.

C’est maintenant décidé, le poker sera son moyen de répondre à ces questions existentielles !

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Et ces questions, elles, constitueront le fil rouge de son troisième livre après The Confidence Game et Mastermind: How to Think Like Sherlock Holmes (dont je vous avais déjà parlé dans cet article).

Elle commence alors a étudier le jeu de façon compulsive. Surtout, elle parvient à convaincre Erik Seidel, un joueur légendaire, de la coacher.

Maria Konnikova va alors découvrir bien plus de choses sur la vie, les autres et elle-même qu’elle ne l’aurait imaginé.

Tous ces enseignements, elle les a compilés dans un livre passionnant : The Biggest Bluff: How I Learned to Pay Attention, Master Myself, and Win (« Le bluff ultime : comment j’ai appris à faire attention, à me maîtriser et à gagner »).

Si le livre mérite vraiment d’être lu pour comprendre tout le process de réflexion et « l’histoire derrière l’histoire » de Maria Konnikova, voici quelques leçons qu’elle a tiré de son aventure.

Chercher des mentors

Il peut être tentant (et plus facile à première vue) de tout faire soi-même. Cependant, la courbe d’apprentissage sera beaucoup plus lente.

Konnikova s’est servie de sa formation d’écrivain et de ses études sur le comportement humain pour profiter de l’expérience de Seidel, la superstar du poker.

Cette relation est ce qui lui a permis d’améliorer son jeu de manière exponentielle en si peu de temps.

La leçon à retenir ici est que chercher des mentors ne suffit pas. Il faut aussi utiliser toutes les ressources dont on dispose pour ouvrir des portes à ces mentors en premier lieu et faire en sorte que la magie opère par la suite.

Voir les choses d’un œil neuf

Konnikova a apporté à la table (excusez du jeu de mots) une chose que ses concurrents n’avaient pas : sa connaissance fine du comportement humain.

Son doctorat en psychologie lui a permis voir les problèmes sous un autre angle, ce qui a participé à la propulser vers le succès.

Se sentir à l’aise face à l’échec

L’une des épreuves du feu de Maria a été de passer deux mois à Las Vegas à jouer autant que possible au poker. Elle explique avoir beaucoup échoué à cette période, avant de commencer à s’améliorer.

Quelle que soit ce que l’on poursuit, le chemin pour y parvenir est souvent parsemé d’échecs et de difficultés.

Acceptez-les et mieux encore : apprenez d’eux ! Soyez à l’aise avec le sentiment de perdre, car l’ego est bien souvent ce qui nous conduit à prendre les mauvaises décisions.

Isoler et affiner certains aspects de son jeu

Practice makes perfect. Le basketteur Larry Bird était connu pour  s’être entraîné à faire 500 lancers francs par jour avant de quitter son école. Il a ensuite obtenu un pourcentage de 886 lancers francs en NBA.

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Le grand Larry Bird dans ses œuvres !

De même, après avoir perdu de nombreuses parties de poker, Konnikova a décidé d’affiner un aspect de son jeu : le poker en heads-up, autrement appelé poker en face-à-face.

Elle a déclaré que se spécialiser dans ce mode de jeu l’a aidé à mieux jouer à court terme, à penser différemment et à acquérir plus d’expérience de différentes manières.

Apprendre à apprendre

Maria Konnikova est quelqu’un qui aime apprendre, mais qui sait aussi comment apprendre (contrairement à la plupart d’entre nous).

Elle attribue sa capacité à apprendre à plusieurs facteurs. Se débarrasser des distractions, omniprésentes, mais aussi à se concentrer pendant de longues périodes et à pratiquer délibérément et efficacement.

Selon elle, « les heures n’ont pas d’importance si vous ne les utilisez pas efficacement. Si je regarde une vidéo de 30 minutes, il me faudra au moins deux heures pour la regarder. Je m’arrête, je rembobine, j’écris les questions à poser plus tard, je prends des notes… ».

D’autres peuvent regarder les mêmes vidéos mais avoir sept onglets ouverts en même temps, et ne pas vraiment s’engager ou absorber les leçons enseignées.

Elle alerte sur le danger d’être multitâche, qui nous conduit à nous épuiser rapidement. Et insiste aussi sur la valeur des notes manuscrites comparé à celles directement tapées dans un ordinateur, qui nous aide à absorber beaucoup plus d’informations grâce au lien moteur entre la main et le cerveau.

Admettre que l’on ne sait pas

L’humilité est une qualité qui peut être déterminante dans une partie de poker. Pour sa part, Maria Konnikova pense qu’il est normal de dire « non, je ne sais pas, pouvez-vous m’aider svp ? ».

Encore une fois, c’est un trait journalistique qu’elle a apporté à l’apprentissage du jeu de poker.

Il faut se débarrasser de l’ego, de l’autocensure, du fait de redouter de passer pour un idiot, et poser les questions qui s’imposent à notre curiosité.

Car finalement, quel est le pire qui pourrait arriver ? Apprendre quelque chose ?

Avoir de bonnes motivations

La plupart des autres joueurs de poker du circuit sont soucieux de jouer le plus de mains possible pour augmenter leur probabilité de gains.

Maria, elle, était avant tout motivée par le fait d’apprendre. Cela l’a incitée à consacrer plus de temps à analyser son jeu, ses réactions, gagner en stratégie, remédier à ses faiblesses et exploiter ses points forts.

Travailler sur sa concentration

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L’une des clés au poker : la concentration.

On en revient au focus. L’éparpillement est le meilleur ennemi de la réussite.

Le meilleur moyen de contourner ce problème est de commencer petit et de se développer à partir de là.

A la manière d’un coureur, utilisez votre élan. Engagez-vous à faire même le plus petit pas possible et vous constaterez qu’il est plus facile de faire le prochain pas, un peu plus grand cette fois-ci.

Si vous devez écrire un texte de 1000 mots, engagez-vous à en écrire cinquante, puis voyez comment vous vous sentez.

Comme l’a dit Isaac Newton, un objet en mouvement reste en mouvement : il est donc toujours plus facile de continuer une fois que vous avez commencé.

Vous pouvez aussi essayer de vous récompenser à l’achèvement d’une tâche donnée ou d’une période de concentration. Là encore, créez de bonnes incitations et supprimez les distractions (rangez ce satané téléphone !).

Continuer d’analyser pour s’améliorer

Selon Konnikova, quel que soit le domaine, vous pouvez apprendre des choses de toute situation si vous êtes vraiment investi. Il suffit d’ouvrir les yeux et d’être attentif.

Elle donne l’exemple des télémarketeurs, qui appellent des gens à la chaîne pour leur vendre quelque chose et qui se font bien souvent raccrocher au nez. Ceux-ci ont toutes les raisons du monde de se décourager.

Mais que se passe-t-il si :

  • vous recadrez cette expérience apparemment négative,
  • vous vous concentrez plutôt sur l’apprentissage
  • vous vous posez les bonnes questions pour savoir pourquoi votre offre est autant rejetée ?

Réponse : vous obtenez alors des informations précieuses et motivantes qui vous rapprocheront de votre objectif.

S’inspirer de la fiction

Soyez attentif : les vraies leçons de vie sont parfois plus marquantes dans les romans qu’elles ne le sont dans les bouquins de développement personnel.

Konnikova souligne que la fiction nous apprend, entre autres choses, à être des penseurs critiques et des personnes empathiques.

J’ai tendance à être d’accord. J’ai autant appris à naviguer dans le monde grâce à Homère et Paulo Coelho qu’à Robert Greene.

L’Odyssée m’a appris la valeur de la persévérance, tandis que l’Alchimiste m’a appris qu’il faut souvent partir en voyage pour que les réponses se présentent, même si elles étaient sous vos yeux depuis le départ.

Chasser les écureuils

Le psychologue Mihalyi Csikszentmihalyi (auquel on doit le concept d’état de flux) a un jour raconté l’histoire de son chien de chasse.

« Ce chien n’était qu’un morceau de chair sans vie en elle. Sauf la première fois où je l’ai emmenée au parc, et qu’elle a vu des écureuils. Elle a alors complètement changé et est devenue l’expression même de ce que signifie la chasse. Elle est devenue prudente, précise et élégante. Elle était très heureuse, même si elle ne pouvait jamais attraper d’écureuils ».

Konnikova nous encourage à découvrir nos propres écureuils :

« Suivez votre curiosité, faites des choses parce que vous pensez que c’est intéressant… parce que vous êtes excité à l’idée d’apprendre, et non pas parce que tout le monde le fait ou parce que vos parents vous l’ont dit. »

Jouer le pire scénario

Faisant écho au « facteur peur » de Tim Ferriss (lui-même dérivé d’un enseignement du philosophe grec Sénèque), Maria Konnikova dit qu’elle aime se représenter le pire des scénarios dans sa tête. Elle peut alors réfléchir à la façon dont elle y réagirait et quel serait son plan pour s’en sortir.

En faisant cela, elle se prépare au mieux à ce qui pourrait arriver de pire et peut ainsi agir et faire ce qui lui fait peur.

Sénèque a dit : « nous souffrons plus souvent de l’imagination que de la réalité ». En anticipant le pire, on fait la paix avec lui et on libère son esprit afin qu’il se concentre sur le positif.

Devenir plus conscient de soi

Au delà de ses gains financier, une meilleure conscience d’elle-même est sans doute la plus grande victoire de Maria Konnikova concernant toute cette aventure.

« Je n’ai pas seulement appris les règles du jeu. J’ai appris les subtilités de ma propre psyché. J’ai appris à connaître les pièges de ma prise de décision. J’ai appris comment je laissais les gens m’intimider parce que j’avais peur de paraître autre chose que gentille. Mais ce que j’ai surtout appris, c’est comment dépasser le bruit : comment embrasser l’incertitude plutôt que de la craindre, en recadrant la chose même qui m’a autrefois pétrifiée – mon manque total de contrôle sur certains éléments clés de ma vie – en quelque chose que je pourrais plutôt utiliser comme source de pouvoir. »

Suite à ces révélations, son mari lui a renvoyé que les gens avaient désormais beaucoup moins d’emprise sur elle.

Se concentrer sur ce que l’on peut contrôler

Nous devrions apprendre à être à l’aise avec l’incertitude, car c’est simplement une caractéristique inhérente à la vie.

Maria Konnikova a appris que le hasard joue un rôle énorme, mais qu’il peut être aussi paralysant. Imaginez que vous viviez votre vie en pensant que quoi que vous fassiez, le résultat sera toujours basé sur la chance ?.

Elle nous incite plutôt à faire comme les Stoïciens, et à nous concentrer sur ce que nous pouvons contrôler.

Un conseil avisé si l’on en juge par sa parcours. Car c’est bien en se concentrant sur ce qu’elle pouvait contrôler qu’elle est passée de novice en poker à faire la couverture des magazines de poker, pratiquement du jour au lendemain.

Nous voici arrivés à la fin de cet article. Et vous, quelles leçons avez-vous tiré de domaines qui ne s’y prêtaient pas forcément à première vue ? Que pensez-vous des enseignements de Maria Konnikova ? Exprimez-vous en commentaires !

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