Aujourd’hui j’ai le plaisir de vous présenter l’interview de Marie Devevey.

Marie est styliste et directrice de création, et donne également des cours de style à l’atelier Chardon Savard (une école internationale de mode et de stylisme).

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Marie Devevey, styliste

Elle nous présente sa vision de son métier, de la créativité et de l’inspiration à travers cette intéressante entrevue. Je m’excuse par avance des bruits parasites autour de nos voix, cependant tout ce qu’on dit reste parfaitement intelligible 😉

Si vous voulez réagir en commentaires, n’hésitez pas !

Bonjour Marie Devevey, et merci d’accepter cette entrevue pour Out the Box ! Peux-tu te présenter et nous exposer brièvement ton parcours stp ?

Bonjour,

Alors [je m’appelle] Marie Devevey, j’ai toujours aimé dessiner, depuis que je sais tenir un crayon. Depuis que j’ai 3 ans je dessine les petites dames, des robes et des fleurs. J’ai toujours été passionnée par le dessin, la représentation qu’on pouvait faire du corps féminin et le vêtement qu’on pouvait lui proposer.

Ma formation: j’ai fait Chardon Savard (ndlr: BTS stylisme-modélisme) en 3 ans, ensuite j’ai eu la chance de faire un MBA à temps partiel à l’IFM (« Institut Français de la Mode »). Ma première expérience c’était chez Nathalie Garçon pendant 8 ans. J’ai pu participer pratiquement à tous les stades de la création, aussi bien le plan de collection que des vêtements sur-mesure pour des actrices comme Arielle Dombasle pour le Festival de Cannes, pour Emmanuelle Béart ou encore Mathilde Seigner.

Balcons

Un magnifique livre de photos où l’on peut apercevoir quelques créations de Marie lorsqu’elle œuvrait pour Nathalie Garçon.

BALCONS, disponible chez Amazon.

Ma deuxième expérience la plus importante c’était chez Zapa où je suis restée 5 ans. Je suis arrivée à la période où l’ancien propriétaire revendait sa société et ils avaient l’intention de mettre en place une nouvelle stratégie de rajeunissement du produit.

Ils voulaient augmenter la visibilité dans la presse: avoir un produit plus jeune pour augmenter le chiffre d’affaire, gagner des parts de marché et en même temps s’inscrire dans une politique de nouveau positionnement, plus attractif et plus presse, aussi bien au niveau des campagnes que des collections presse.

Merci. J’aimerais maintenant que tu nous parles de ta démarche artistique. Où puises-tu ton inspiration pour tes créations ?

On peut dire que tout m’inspire, aussi bien la banquette sur laquelle on est assis, un peu orange avec des points rouges qui font penser à de l’autruche mais ça pourrait peut-être être des pierres, une mosaïque… On peut le transformer en bijoux par exemple, en motif de broderie, en impression textile. On peut se dire que c’est un cuir, une nouvelle façon de travailler le cuir, de l’embosser, de le rendre peut-être plus mat aussi, encore plus reliefé…

… On voit l’œil de l’experte !

En fait c’est toujours un va-et-vient entre: qu’est-ce que cette idée m’apporte, comment je peux l’exploiter, la multiplier, la réduire, l’augmenter et après la transposer. C’est une petite gymnastique visuelle, tous les contrastes visuels aussi bien en termes de couleurs, de matières, de contrastes… Par exemple une ligne droite qui rencontre une courbe, tout ça m’inspire et me permet de créer un plan de collection.

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Après ça part aussi d’envies, d’idées, de l’air du temps, de quoi on a envie en ce moment, ça peut être une étude sociologique. C’est forcément d’ailleurs des études sociologiques: qu’est-ce qui se passe dans mon époque, comment on sort, comment on a envie d’aller danser, comment on sort pour aller dîner le soir, comment on est habillé le matin pour prendre le métro…

Toutes les questions qui sont des indicateurs sur comment on va s’habiller et comment on va traduire une collection. Après évidemment je fais un maximum d’expositions, je vais au cinéma, aux salons…

Oui, c’est aussi ça qui m’intéressait: savoir s’il y avait des choses dans la culture populaire qui… tu me parles de cinéma par exemple, s’il y avait des choses qui pouvaient t’inspirer à ce niveau là.

Oui bien sûr. Après je ne pense pas qu’il puisse y avoir une culture populaire et une culture « pas populaire ». C’est plutôt quelque chose de français où on va dire qu’il y a une culture plus populaire et une culture plus élitiste, mais après je pense que toutes les cultures sont faites pour, un moment, devenir populaires.

Oui, après on entend plus de gens qui vont voir des films au cinéma que des gens qui se rendent dans des vernissages. Malheureusement j’ai envie de dire, mais c’est quand même un fait.

Quand on est assis dans un fauteuil pour recevoir et percevoir des images et un film, c’est plus facile. C’est plus facile que d’entrer dans une galerie et d’essayer de comprendre. C’est vrai qu’un film on nous donne toutes –enfin pratiquement…

On nous le sert sur un plateau.

Voilà c’est ça, on nous sert l’explication et en fait l’émotion et la mise en scène sont sans doute aussi plus intensives au niveau des 5 sens. On est dans une salle noire, on ne peut pas bouger donc on est obligé d’être réceptif et puis…

… Et puis il n’y a pas cette démarche où justement, on doit comprendre quelque chose, une intention derrière. Enfin moins en tout cas que lorsqu’on est devant une œuvre d’art et qu’on essaye de deviner ce qu’a voulu dire l’artiste derrière.

Oui, d’ailleurs peut-être que le scénariste sait davantage mettre en scène et expliquer une histoire qu’un peintre ou un graphiste…

Marie me raconte que cette recherche de couleurs, à gauche, pourrait très bien être un tapis sur lequel la joyeuse femme d'à-côté pourrait danser. Imagination...

Marie me raconte que cette recherche de couleurs, à gauche, pourrait très bien être un tapis sur lequel la joyeuse femme d’à-côté pourrait danser. Imagination…

Et encore, je ne suis pas sûre, mais il y a certainement quelque chose à chercher autour de ça. Mais oui, tout inspire. Quand on voit le dernier défilé Chanel qui se passait dans un grand supermarché, on peut se dire que tout ce qui a été culture de masse… à l’époque du Pop Art, ou même Bruegel s’inspirait aussi de ce qui se passait d’un point de vue aussi populaire qu’élitiste.

Merci. Une autre question qui me brûlait les lèvres c’est quand on pense « mode » et stylisme, il nous vient souvent ces images de défilés ou des mannequins sont accoutrés de créations extravagantes et clairement « importables » dans la vie de tous les jours. J’aurais aimé connaître ton opinion sur ce pan là de ton métier?

Je pense que c’est nécessaire de proposer des vêtements importables. Parce qu’on dit qu’ils sont importables, oui, peut-être pour être portés dans le métro mais si on avait l’évènement qui pouvait aller avec le vêtement on aurait envie de le porter. Et beaucoup de femmes se rêvent princesses d’aujourd’hui, princesses extraordinaires avec des pouvoirs magiques et des robes extraordinaires. En plus je pense que c’est presque un devoir de s’inscrire dans son époque en cherchant à proposer de nouvelles silhouettes, beaucoup plus innovantes, des choses qu’on n’a jamais vues, avec une réelle recherche au niveau des matières.

Par exemple on peut penser à l’imprimante 3D mais il y a des tas d’autres savoir-faire ancestraux qu’on peut s’approprier pour les rendre plus modernes. Ou faire des mix entre techniques anciennes et modernes pour proposer à chaque fois quelque chose de nouveau.

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Ensuite, je pense que justement, savoir proposer un vêtement avec lequel on va devoir prendre le métro c’est aussi très important. Le vêtement c’est aussi un moyen de pouvoir se sentir bien, pour travailler, pour exister et ça ne doit pas être seulement cantonné à…

Je pense qu’avoir les deux propositions, donc: soit un vêtement extraordinaire qu’on ne va porter que pour un défilé ou un moment extraordinaire, ou bien le vêtement qu’on va porter pour quelque chose de plus quotidien ou une activité qui peut paraître plus habituelle, les deux ont des contraintes intéressantes et après c’est à nous, stylistes, de savoir apporter la meilleure réponse à ces contraintes.

Un exercice un peu différent avec ce concept-store pour enfants tout en couleurs imaginé par Marie.

Un exercice un peu différent avec ce concept-store pour enfants tout en couleurs imaginé par Marie.

C’est bien, ça fait une introduction toute trouvée pour ma prochaine question ! Justement, créer des vêtements voués à être portés tous les jours mais qui conservent une touche d’originalité parmi le reste de la production n’est-il pas un défi en soi ? Tu viens justement de dire que si, quelque part ça l’était.

Comment parviens-tu à innover à travers tes créations ? Quelle est ta touche personnelle ?

Innover… Il y a toujours des curseurs différents selon l’ADN  de la marque et le secteur pour lequel on va travailler. Il y a des marques ou le vêtement devra forcément être innovant, d’autres ou il devra être moins innovant ou en tout cas de manière plus discrète et subtile.

Après ça peut être des détails, des applications, une broderie, une doublure qui soit peinte à la main et qui raconterait une histoire… Ça pourrait être la finition d’une poche dans un pantalon, avoir glissé une petite pierre dans un ourlet…

Tout est dans le détail…

Ça peut être le détail ou ça peut être très visible. Ça peut être un imprimé très graphique avec des couleurs très contrastées ou qui vont se fondre dans un camaïeu de pastels. Après c’est toujours une histoire de clientèle: à qui je m’adresse, à qui je dois proposer le vêtement le plus juste en fonction d’une clientèle que j’ai définie.

Ensuite il reste une part de hasard, on se dit « j’ai identifié cette clientèle et je veux lui proposer ce vestiaire là, en revanche j’ai aussi imaginé qu’il y avait encore toute cette clientèle que je vais pouvoir capter parce que ma proposition, l’intuition que j’ai est forte et va me permettre d’atteindre une autre clientèle et de proposer quelque chose de nouveau.

Un croquis de Marie suite à un voyage en Thaïlande. Les voyages, toujours une source intarissable d'inspiration.

Un croquis de Marie suite à un voyage en Thaïlande. Les voyages, toujours une source intarissable d’inspiration.

Et c’est en ça que la nouveauté arrive: je ne sais pas encore définir cette personne ni ma clientèle, mais je sais que ce que je vais proposer va donner envie à un maximum de femmes d’être consommé, d’être acheté. Parce que l’envie d’avoir cet objet, ce vêtement sera tellement forte qu’elle l’achètera forcément et aura envie de le porter.

Merci beaucoup! Et enfin, quel serait ton conseil à une personne qui veut devenir styliste ? On sait que certaines personnes qui s’intéressent à la création dont, notamment, des lectrices d’Out the Box s’intéressent à la mode et c’est certainement une question qui les intéresserait de la part d’une directrice de création.

Continuer à rester quelqu’un de toujours en éveil, alimenter sa curiosité, rester toujours aux aguets. Être aussi bien curieux de ce qui se passe en architecture qu’en littérature, en BD, même autour de l’écologie. Être au courant de ce qui se passe dans son époque, avoir envie de la prolonger à travers sa création.

Ensuite, faire beaucoup de shopping. Être au courant de ce qu’on voit dans les boutiques, ce qu’on peut acheter, à quel prix, quelles sont les matières, les toucher, les faire craquer entre ses doigts, les plier, sentir aussi les textures sur sa peau…

Une phase de collecte aussi, peut-être ? Créer des books d’inspiration…

Oui, tout à fait. Collecter un maximum d’images qui peuvent vous inspirer, les revoir régulièrement et les mettre en relation avec d’autres pour créer des nouveaux univers et des nouvelles envies.

D'autres recherches stylistiques de Marie Devevey. Les notes associées donnent quelques indices sur ses sources d'inspiration !

D’autres recherches stylistiques de Marie Devevey. Les notes associées donnent quelques indices sur ses sources d’inspiration !

Et toujours s’informer, faire autant travailler le cerveau droit que le cerveau gauche. Se dire: « voilà, c’est de l’intuition, de l’envie et tout à coup je raisonne de façon plus cartésienne. Comment ça va s’enfiler, comment ça va se mettre, comment je vais pouvoir le porter? En fait, ajouter à une intuition une vision plus pragmatique, plus pratique.

Ok, je te remercie beaucoup. Dernière question: est-ce que tu penses qu’il y aurait quelque chose que je n’aurai pas abordé et que tu aurai absolument envie de dire à propos de ton métier, de ce que tu fais d’une manière générale ?

Oui ! C’est un métier qui est passionnant, qui doit se vivre comme une passion et qui engendre forcément un certain mode de vie. C’est un métier qui nous envahit, c’est une obsession, on est toujours dans une quête de recherche et c’est ça aussi qui est passionnant, qui est vibrant. Je pense que c’est une formidable énergie, une formidable chance de pouvoir faire un métier qui est une passion.

Merci beaucoup d’avoir répondu à ces questions Marie Devevey, et à bientôt sur Out the Box !

Y a-t-il des futurs stylistes ici ? Que vous inspire le témoignage de Marie ? Exprimez-vous en commentaires 😉

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