Pour ma première interview j’ai eu le plaisir de rencontrer Antoine Bertrand, un artiste au talent incroyable. Dans son atelier parisien, Antoine réalise de superbes peintures représentant des animaux avec un style inimitable.
Mélangeant influences japonaises et techniques issues du graffiti, ses tableaux donnent littéralement vie à leurs sujets. Lorsqu’il ne jette pas son inspiration sur des toiles, ce sont des objets (boites, t-shirts, tables, paravents…) qui profitent de ses délires créatifs !
D’ailleurs, Antoine réalise des peintures sur tous types de supports lors de commandes par des particuliers ou des professionnels. Faites passer le mot !
Avant de passer à l’entrevue – en format audio ou texte, à vous de choisir -, quelques ressources pour le trouver sur la Toile (la grande, cette fois-ci):
- Son site Internet
- Sa page Facebook (likez et faites connaître son talent autour de vous !)
- Téléchargez le book d’Antoine Bertrand !
Allez, cette fois-ci on y va ! D’abord, le podcast de l’interview pour entendre parler l’artiste de son art de vive voix:
Retranscription de l’interview d’Antoine Bertrand
OTB – Alors bonjour Antoine, et merci d’accepter cette interview. Pour commencer, est-ce que tu pourrais te présenter aux lecteurs d’Out the Box ?
A.B – Alors bien sûr, mon nom est Antoine Bertrand, je suis artiste-peintre, je travaille la peinture animalière et je bosse depuis 2010.
OTB – Comment en es-tu venu à l’art ? Qu’est-ce qui, au départ, t’as poussé à créer ce que tu avais d’abord imaginé ?
A.B – Comme tout à chacun, il y a une grande partie d’exutoire. J’ai commencé très jeune à dessiner – très mal- sauf que contrairement à tout autre centre d’activité c’est la seule chose pour laquelle j’avais de la patience, de la détermination et surtout la seule chose que je voyais par pure désintérêt.
C’est un vrai moyen d’expression, en fait, très privé, très intime, qui ensuite s’est avéré être quelque chose que j’ai assez travaillé pour pouvoir prétendre en faire un métier. Je suis passé par pas mal de phases, j’ai fait des études de bandes-dessinées parce-que je suis un grand admirateur de la B.D.
Ce qui m’a ouvert à la culture générale, à plein de choses notamment concernant l’histoire de l’art, parce-que moi j’ai fait des études scientifiques…
OTB – Ah oui, des études scientifiques ?
A.B – Oui, j’ai fait un bac scientifique qui ne me sert strictement à rien mais…
OTB – Comme quoi la science ça mène à tout ! (Rires)
A.B – Voilà disons que ça va favoriser l’organisation, la logique, la méthodologie de travail. Après par rapport au sujet, à l’imagination, c’est totalement l’opposé mais je pense que comme tout, ça sert quelque part. Le fait de ne pas avoir fait aussi d’études d’arts plastiques m’a beaucoup aidé à être beaucoup plus libre au niveau des lois de composition, ou de ce qu’il faut ou ne faut pas faire, en fait.
OTB – D’accord, donc en fait ça t’as permis de pouvoir t’éloigner un peu des codes du milieu.
A.B – Oui, en tout cas de ne pas les subir. Que ce soit dans les références à connaître, dans la manière de faire, dans les courants à privilégier… Je n’ai eu aucune de ces contre-indications, j’ai vraiment été là-dedans d’une manière très libre, très enfantine, et je pense que c’est aussi pour ça que la peinture est devenue le moyen d’expression majeur dans lequel je m’exprime en ce moment. C’est totalement libre de toute formation.
OTB – D’accord. Ensuite, je me posais aussi la question d’où tu puises ton inspiration et ta créativité ? Quelles sont tes influences ? Alors je sais vu qu’on se connaît un peu que tu es passé par le graff’ au début mais est-ce que tu pourrais nous en parler avec tes mots ?
A.B – Oui, mes influences, énormément de graffitis, j’ai beaucoup aimé ce courant même si je l’ai très peu pratiqué parce que j’ai toujours été très nul comme vandale. Je suis beaucoup trop naïf et honnête pour taguer en pleine ville.
Par contre j’ai fait beaucoup de indoor (graff en intérieur) avec des amis. Je me suis très vite mis aux personnages parce-que les lettrages n’étaient pas mon truc même si je trouvais ça magnifique. En me mettant aux personnages, j’ai découvert qu’on pouvait peindre sur de très grandes surfaces.
Contrairement à la peinture sur châssis, sur un mur en ville ou dans un garage on n’a pas de limites donc on a un vrai choix à faire d’où on s’arrête, quelles dimensions on fait et on peut vraiment tendre des courbes avec une bombe qu’on ne peut pas forcément tendre avec un pinceau sur le même support.
Donc le graff énorme influence, la bande-dessinée énorme influence aussi, dans la mise en noir avec l’école américaine, les cadrages dynamiques avec l’école japonaise, très storyboard. J’ai des milliers d’influences, c’est aussi pour ça que j’aime bien la peinture et ne pas avoir fait d’arts-plastiques parce-que je peux me servir de toutes celles-ci et les mélanger. Énormément d’influences des peintres japonais et chinois, de toute l’école des sumi-e (de la peinture à l’encre pure avec de l’eau sur papier washi) qui est une vraie discipline que je commence à peine à toucher du doigt avec un maître à Paris…
OTB – Pourtant tu as déjà fait des choses comme ça, je me souviens qu’à ton vernissage il y avait déjà des travaux, des poissons…
A.B – Oui, c’est très japonisant. J’ai commencé le sumi-e tout seul, par intérêt personnel, et j’ai appris après qu’il y avait toute une philosophie, toute une démarche qui va derrière. Et comme je commence aussi à vieillir il y a un sens que je n’avais pas mis dans cette peinture, qui existe déjà et qui m’intéresse beaucoup. Donc sans l’embrasser et m’y convertir, je suis assez curieux de le pratiquer avec les codes traditionnels, comme l’académisme dans le dessin.
Avant de déconstruire il faut bien savoir construire quelque chose.
OTB – Je rebondis juste sur ce que tu disais, que chez toi il n’y avait pas au départ une volonté de revendication quand tu as commencé le graff. Parce-qu’il y a beaucoup de gens qui commencent par ça, ils ont envie de s’exprimer et…
A.B – Oui, c’est totalement légitime en plus et puis c’est pour moi le moyen idéal pour le faire et surtout le support idéal – la ville, les murs. Je n’ai jamais vu le mal à mettre de la couleur sur un mur, personnellement je trouve ça assez agréable. Après il y a une question de niveau de dessin qui va rentrer en compte au niveau de l’esthétique mais dans la démarche je trouve que c’est très pur et très frais. Après nous, en Europe, on ne l’a pas eu du tout de la même manière que lorsqu’il a été créé, nous c’est plus ludique, plus fun.
OTB – Donc le fait de faire du graff ça t’as aussi amené à t’intéresser à l’art de la calligraphie, par exemple.
A.B – Alors ce n’est pas le graff qui m’a amené à la calligraphie bizarrement, même si la typographie dans le graff est hyper intéressante. C’est plutôt le sumi-e qui m’y a amené, c’est à dire que c’est vraiment le travail du geste du pinceau. Donc le pinceau japonais que j’utilise majoritairement c’est très spécifique, c’est vraiment un outil millénaire avec différentes qualités et je pense qu’ils ont autant de pinceaux et d’encres qu’on peut avoir de vins en France. Il y a vraiment dans l’approche de la calligraphie, que je fais finalement assez peu mais qui me fait du bien pour me concentrer. Je travaille la calligraphie vraiment dans un intérêt spirituel, pas du tout pratique. Il n’y a aucune chance que vous voyiez mes calligraphies au moins pendant les 20 prochaines années (rires) !
OTB – Ok, alors est-ce que tu as parfois des blocages et que fais-tu pour les dépasser ? Je me dis que c’est une question que les artistes/aspirants artistes se posent.
A.B – Ça dépend d’où vient le blocage. S’il est vraiment dès l’idée, dès la création, dès l’envie, je sors, je change d’air. La meilleure manière pour moi, mais malheureusement je n’en ai pas les moyens à chaque fois que ça m’arrive, c’est de partir en voyage. Partir quelque part, ça débloque tout, que ce soit la peinture ou la vie personnelle c’est très très bon.
Après quand j’ai un blocage en dessin en pratique je me force avant tout, à le faire, à y aller, et si vraiment ça ne passe pas c’est quelque chose de personnel.
OTB – Ok, et là vu que tu reviens du Japon ça a dû t’inspirer pas mal, j’imagine. Alors sinon tu peins surtout des animaux, pourquoi ?
A.B – Alors les animaux comme sujets de mes toiles c’est très étrange parce-que la toute première toile que j’ai faite, je l’ai faite parce que je n’avais pas d’argent pour offrir un cadeau de Noël à ma grand-mère. Je voulais absolument lui offrir quelque chose donc je lui ai fait une toile d’un coq et il s’est avéré que ça a eu du succès. Les gens ont aimé, j’ai continué à en faire d’autres.
Les animaux ça vient (et ça, je ne l’ai découvert qu’après ma première exposition) surement de mes parents, notamment de ma mère – mon père aussi mais ma mère plus dans la pratique – qui quand j’étais petit faisait plein d’oiseaux à l’aquarelle, hyper précis, hyper réalistes. Je n’ai pas toujours eu un énorme affect pour peindre des animaux, j’adorais voir ma mère peindre mais avec le temps je me suis rendu compte que ça venait surement de là.
Après c’est vraiment intrinsèque, j’adore peindre des animaux, ça m’éclate, c’est exactement ce que j’ai envie de faire. Ça se rapproche de ma démarche de totémisation, pour moi chaque personne a un côté animal et quand je peins un animal c’est pour qu’il corresponde à quelqu’un. Ça n’est pas pour le peindre « joli », c’est pour le faire correspondre avec la personnalité d’un potentiel client ou même d’un fan, de quelqu’un qui va aimer cette représentation animale.
C’est pour ça que mes coqs sont très exagérés, stylisés, très aigles, des fois peut-être dragons ou phénix. Après, il y a le japonisme qui rentre, enfin tout se croise un peu. Mais les animaux c’est un sujet que j’adore, parce-que déjà j’adore les animaux de base et c’est infinissable, il y en a tellement ! Entre ceux qui ont malheureusement disparu par notre faute, ceux qui ont disparu sans que ce soit notre faute, ceux qu’il y a encore… C’est une source d’inspiration énorme, et pour moi la Nature c’est la meilleure source d’inspiration possible, comme pour tout dessinateur.
OTB – Donc finalement il y a quand même une part/un esprit assez philosophique derrière tes œuvres. Ce n’est pas seulement une représentation esthétique.
A.B – L’esprit est très important mais l’esthétique m’intéresse aussi. C’est aussi pour ça que j’ai été côté en art-déco, parce-qu’il y a vraiment une esthétique dans ce que je fais et je le défend. Pour moi, je ne suis pas du tout un artiste revendicateur, politique, engagé… Pas du tout.
Je suis un artiste qui fait des choses parce qu’il a envie de les faire bien…
OTB – Oui, c’est cohérent avec ce que tu disais juste avant.
A.B – Voilà et puis c’est moi, je ne suis pas quelqu’un d’engagé par rapport à des propos et tout ça, et surtout pas dans mon métier, pas dans la peinture. C’est quelque chose de très libérateur, très pur pour moi, et je n’ai pas envie d’y insérer (des revendications), même si je le respecte chez les autres, attention, et que même je suis fan de plein d’artistes engagés. Mais ça n’est pas ma démarche, ça n’est pas intègre si je fais ça. Peut-être qu’avec l’âge ça viendra, mais pour l’instant non, juste de l’esthétique et surtout une représentation, un face à face avec la personne et l’animal peint.
Ça, ça m’éclate: en vernissage, voir la réaction des gens, qui s’arrête vers quoi, combien de temps, sur quelle toile… Ça révèle aussi des choses sur la personne. C’est… je ne sais pas. L’animal est un grand révélateur de la personnalité humaine.
OTB – On parlait un peu des artistes qui ont pu t’inspirer. Tu as surtout parlé du japonisme dans tes influences, est-ce que tu as des noms d’artistes ?…
A.B – J’ai UN grand maître qui s’appelle Ito Jakuchu, qui est pour moi un peintre japonais absolument révolutionnaire parce-qu’à l’époque où il a peint (je ne vous dirais pas de date parce-que je suis nul en dates), c’est très moderne ce qu’il a fait. Il a fait énormément de sumi-e, beaucoup de peintures très finies, très travaillées. Et tout ce qu’il a fait, et aussi parce qu’évidemment dans tout son travail le coq a été très présent. C’est quelqu’un qui a peint énormément de coqs, il en a fait des salles entières, qui sont sublimes, et qui sont les premières références que j’ai utilisé en peinture lorsque j’ai commencé.
Après j’ai évolué, j’en ai connu d’autres, mais ça reste toujours. Et souvent d’ailleurs, quand je rencontre un japonais, il me dit toujours ce nom-là, me cite toujours cette référence comme étant ce qui se rapprocherait le plus de ce que je fais.
OTB – Petit aparté, mais le coq ça a une signification particulière au Japon ?
A.B –
Le coq, au Japon, a une signification comme peuvent l’avoir les autres signes astrologiques. Dans tous les temples au Japon il y a chaque petit signe astrologique avec son petit Kanji, son porte-bonheur. Moi le coq je l’ai découvert au Japon puisque là-bas ils ont des onagadori, qui sont des coqs avec des très longues queues, dont ils se servaient pour les parades de l’Empereur si je ne dis pas de bêtise à l’époque, et qui n’ont pas du tout la gueule des nôtres.
Les nôtres font très vite penser à une marque de cordon-bleus (rires) alors que ceux-là sont majestueux, ils ont une vraie tenue…
Et puis ces plumes… J’en ai eu un dans les mains qui avait une queue de 3 mètres ! 3 mètres de queue sur un coq c’est assez sublime, et du coup c’est comme ça que j’ai commencé à peindre parce que ces animaux m’ont marqué. Ensuite je me suis fait faire un tampon pour signer mes toiles, que mon amie m’a ramené du Japon, qui signifie le signe astrologique du coq.
Je l’ai retravaillé un peu plus à l’occidentale, en fermant le contour, mais à la base la signature de mes toiles ça a cette signification là. C’est les premiers animaux que j’ai peint et c’est ma signature, mon caractère.
OTB – Très bien. Ma dernière question, quels seraient tes conseils à ceux qui voudraient se lancer dans une carrière artistique ? Ou simplement dans l’art, sans forcément l’envie d’en faire une carrière.
A.B – Ce serait très présomptueux d’avoir un conseil, mais je dirais juste de travailler, comme tout travail manuel, ça demande de l’entrainement, de l’acharnement, de la détermination et de l’intégrité.
OTB – Et du courage aussi, non ?
A.B – Du courage, oui, quand on veut gagner sa vie avec. Là oui, il faut beaucoup de courage. Il faut un peu d’inconséquence, des amis solides, une famille soudée, qui comprenne, même si des fois on doit se battre un peu. Au bout d’un moment on arrive à faire comprendre que ça a un véritable intérêt, que ça a un sens et qu’on peut tout à fait gagner sa vie. Sans faire des mille et des cents, mais gagner sa vie honnêtement en faisant de la création, quelle qu’elle soit.
OTB – Et en faisant surtout ce qu’on aime.
A.B – Ouais !
OTB – Voilà, c’était ma dernière question. Je te remercie beaucoup Antoine Bertrand de m’avoir accordé cette interview et j’espère que les lecteurs d’Out the Box seront réceptifs à ton travail et à ton art.
A.B – Voilà, n’hésitez pas à aller sur le site, la page facebook, likez, partagez, montrez ! L’art, ça se montre.
Alors, que pensez-vous de cette interview et surtout des chefs-d’œuvre d’Antoine ? Partagez vos impressions en commentaires !
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